Gatineau, le 21 mai 2025
Monsieur Bernard Drainville
Ministre de l’Éducation
Objet : Protocole d’entente entre la Commission scolaire Outaouais-Hull et la Fabrique St-Pierre Chanel, avril 1978, ayant pour objet l’utilisation de services communs à l’école Côte du Nord.
Monsieur le ministre,
En 1969, les Pères maristes, une congrégation religieuse établie à Hull, possédaient un terrain convoité par la Commission scolaire, qui souhaitait y construire une école. Les Pères, de leur côté, envisageaient d’y ériger une église. À la suite de pourparlers entre les parties, il fut convenu de vendre le terrain à la Commission scolaire, à la condition qu’une chapelle puisse être construite attenante au gymnase de l’école. La Commission scolaire devenait ainsi l’unique propriétaire du terrain, à l’exception d’une parcelle de 6 407 pieds carrés, vendue à la fabrique St-Pierre Chanel (SPC). Depuis, chaque partie détient l’ensemble des droits afférents à son titre de propriété.
En avril 1978, un protocole d’entente notarié fut signé afin de préciser les modalités d’utilisation du gymnase par la paroisse. À l’exception d’un raccordement au système de haut-parleurs du gymnase, l’édifice paroissial est entièrement autonome. Comme le précise le protocole (page 3) :
« L’utilisation commune de cette ressource physique (le gymnase) ne brime en rien l’autonomie des parties concernées dans leurs champs de responsabilités respectifs. »
Le 20 mars 2025, la directrice du secrétariat général du Centre de services scolaire des Portages de l’Outaouais (CSSPO) me contacte, en tant que présidente de la fabrique, pour m’informer que le CSSPO souhaite mettre fin à notre protocole d’entente et interdire désormais l’utilisation du gymnase de l’école pour nos célébrations eucharistiques du dimanche matin. Cette communication est suivie, le 2 avril 2025, d’une lettre de M. Stéphane Lacasse, directeur général par intérim du CSSPO, nous conviant à une rencontre prévue le 1er mai afin de discuter des modalités de fin de cette entente, conformément à une directive signée par vous et adoptée le 19 avril 2023 par le gouvernement du Québec.
Une fois le choc passé, nous avons entamé des discussions avec notre archevêque, notamment afin de vérifier si d’autres paroisses au Québec se trouvaient dans une situation semblable à la nôtre. À ce jour, il ne semble pas que ce soit le cas. Nous avons également sollicité deux avis juridiques afin de comprendre comment il était possible que nous soyons ainsi « évincés » d’un lieu physique auquel nous avions accès en vertu d’une entente formelle. Cette éviction s’appuie notamment sur une loi qui, à ce jour, fait l’objet d’une contestation devant la Cour supérieure. Dans ce contexte, n’est-il pas prématuré de la part du CSSPO de mettre fin unilatéralement à une entente encore en vigueur ? Une entente qui, par ailleurs, prévoit des mécanismes de règlement en cas de litige — mécanismes que le CSSPO ne semble nullement considérer (page 5).
« …en cas de conflits ou de difficultés…un comité présidé par le Président et composé de quatre autres membres… se réunira pour trouver une solution… les modalités de l’entente pourront être modifiées au besoin, à la demande de l’une ou l’autre des parties et après consensus. »
Nous avons pris connaissance du Projet de Loi no 94, de votre directive adoptée par le Conseil des ministres le 19 avril 2023 et de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements pour un motif religieux dans certains organismes. Ce qui ressort clairement, c’est que la position adoptée est étroitement liée aux exigences de laïcité imposées aux centres de services scolaires dans le cadre de leur mission. Or, tant la directive gouvernementale que la Loi visant à encadrer les demandes d’accommodement font constamment référence à des situations se déroulant pendant le temps scolaire et dans le cadre des activités éducatives. Il y est question, par exemple, de demandes émanant du personnel enseignant ou des élèves souhaitant s’absenter pour des raisons religieuses ; de l’égalité des chances ; du port de signes religieux ; du visage découvert ; du traitement sans discrimination ; ou encore de l’aménagement de lieux pour la pratique religieuse ou la prière — toujours de manière très implicite dans les limites des heures et espaces scolaires. Il est aussi fait mention du droit des élèves d’être protégés contre toute forme de pression, directe ou indirecte, visant à les exposer à une pratique religieuse ou à les y inciter, ainsi que de la nécessité de maintenir des espaces neutres et libres de toute influence religieuse, afin de ne pas compromettre le bon fonctionnement de l’école.
Il va de soi que notre situation ne tombe pas sous le coup des règles, précautions, directives et mesures mentionnées. Notre chapelle est un édifice autonome, adjacent à l’école, qui, en vertu d’une entente notariée datant de près de 50 ans, permet l’utilisation du gymnase environ deux heures par semaine, le dimanche matin, afin que les paroissiens puissent y célébrer la messe. Il est fort probable que ni les élèves, ni leurs parents, ni le personnel enseignant ne soient même au courant de cette entente. Aucun signe religieux n’est installé dans le gymnase. Nous y plaçons simplement des chaises, qui sont retirées et remises dans la chapelle après la célébration.
L’édifice qui abrite notre chapelle n’est pas uniquement dédié au culte. Il accueille également le Comité Partage, qui offre chaque semaine un service de dépannage alimentaire à plus d’une centaine de familles. Il est d’ailleurs fort probable que plusieurs familles de l’école Côte-du-Nord bénéficient directement de cette aide. Le sous-sol de l’édifice sert également de lieu de rencontre pour divers organismes communautaires, notamment les Alcooliques anonymes (AA), qui s’y réunissent chaque semaine. Enfin, la chapelle est idéalement située à proximité de plusieurs immeubles à logements modiques, ce qui en facilite l’accès pour des aînés, des personnes en situation de vulnérabilité, ainsi que pour des nouveaux arrivants, qui n’ont souvent qu’à traverser la rue ou marcher quelques coins de rue pour s’y rendre.
Bref, il est essentiel de mentionner également ces autres activités, car vous devez savoir que si nous perdons l’accès au gymnase, nous serons contraints de fermer la paroisse, la chapelle étant trop petite pour accueillir les paroissiens le dimanche matin. Cela entraînerait également la cessation de l’ensemble des autres activités communautaires qui s’y déroulent.
Bien que nous ayons présenté tous ces arguments lors de notre rencontre avec le CSSPO le 1er mai dernier, il nous a été clairement signifié que l’entente ne devait plus être maintenue et que toute utilisation du gymnase à compter de ce jour pourrait faire l’objet d’une demande d’injonction.
Madame Tremblay, députée de notre circonscription, est parfaitement informée de la situation et connaît bien notre communauté ainsi que ses membres. Nous avons tardé à informer les paroissiens, souhaitant d’abord laisser le temps à nos démarches et nos discussions avec le CSSPO, dans l’espoir qu’elles aboutissent à la reconnaissance de nos « droits acquis », ou à une « clause grand-père » ou à un accommodement.
Devant l’absence de toute reconnaissance de cette nature, j’ai pris la décision de rencontrer les paroissiens dimanche dernier, le 18 mai, afin de leur exposer la situation. Lors de cette rencontre, il a été suggéré de vous écrire directement, Monsieur le ministre, pour solliciter votre soutien afin de garantir la continuité de notre fonctionnement avec l’école Côte du Nord, avant de recourir à d'autres mesures comme une pétition ou une intervention médiatique. Sachez que les paroissiens se sont montrés très mobilisés et qu’ils ne consentiront pas à la fermeture de notre paroisse. En leur nom, je vous prie donc, Monsieur Drainville, de bien vouloir intervenir auprès du CSSPO pour permettre à notre entente, fondée sur de bonnes relations, de se poursuivre conformément au protocole qui nous lie depuis 47 ans.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes salutations respectueuses,
en vous assurant de notre respect total de l’esprit de votre Loi visant la laïcité de l’État.
Dans l'attente de votre réponse qui se voudra le plus tôt possible afin que notre communauté reprenne ses activités, veuillez recevoir mes salutations distinguées.
Chantale Duguay
Présidente de la Fabrique
cc Mme Suzanne Tremblay, députée de Hull
Monsieur Stéphane Lacasse, directeur général par intérim du Centre de Services Scolaire des Portages de l’Outaouais (CSSPO)
Père Rodhain Kasuba, pasteur de la paroisse
René Laprise, diacre et économe à l’archidiocèse de Gatineau
Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau
Paroisse Notre-Dame de l'Eau Vive
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